VHU à La Réunion : le dilemme de l’économie parallèle
Par Ophélie Vinot | Le 01/09/2021 | Dossiers de la rédac' | Green
À La Réunion, le nombre de véhicules hors d'usage abandonnés résulte notamment d'un marché illégal implicite mais bien présent.
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On l’appellera « le dilemme de l’économie parallèle des VHU ». Un cercle vicieux dont il est difficile de sortir. David Pincepoche le sait : « le problème, c’est que ce marché illégal est difficilement évitable. Le seul moyen serait de trouver un compromis en rémunérant les gens ; mais nous n’avons pas encore trouvé la solution pour pouvoir réaliser cela« , explique le directeur de l’association VHU Réunion.
Contrairement à l’Hexagone, aucun centre de traitement des déchets liés aux VHU n’existe à La Réunion. « On ne peut pas rémunérer le propriétaire d’un véhicule hors d’usage afin de l’inciter à ramener lui-même sa voiture dans un centre agréé« , regrette David Pincepoche. « Car envoyer les déchets liés à son véhicule par bateau a déjà un coût, ce qui n’est pas le cas en métropole puisque les centres de traitement existent« .
Sommaire
Revendre en pièces détachées, les moeurs perdurent
« Face à cette situation, forcément, les gens préfèrent revendre leur voiture pour pièces détachées ou laissent simplement leur véhicule au fond du jardin« , explique David Pincepoche, compréhensif. « Ils oublient de s’en occuper et, un jour, ils ne peuvent même plus l’amener dans un centre agréé« . Pourtant, la loi interdit depuis 2009 la revente de toute pièce détachée. « Mais les gens ne le savent même pas, en fait. Cette pratique encore trop inscrite dans les moeurs. Le problème, c’est que c’est la base du problème des VHU abandonnés« .
Comment inciter la population à ramener leurs véhicules sans les rémunérer ? En 2021, doit-on vraiment rémunérer une personne pour qu’elle mette ses propres déchets là où il faut ?
8 000 à 10 000 VHU abandonnés par an…
La situation des VHU à la Réunion ? Catastrophique. L’association créée à la suite du décret de 2017 a soumis, comme les autres associations dans les territoires, une charte aux communes pour acter la coopération entre les services publics et privés. À ce jour, sur les 24 communes de l’île, seules Sainte-Rose et Salazie n’ont pas signé.
L’association organise la collecte et le recyclage des véhicules abandonnés, sur terrain privé comme public. Pour agir, elle regroupe l’ensemble des concessionnaires importateurs automobiles de La Réunion. Le service de collecte et de traitement des VHU qu’elle propose à la collectivité est gratuit. Si le véhicule est totalement intègre. Si le VHU a été abandonné, il doit être identifié avant la collecte par les autorités et le dernier propriétaire mis en demeure. La collectivité doit également remettre les pièces nécessaires à l’enlèvement et la destruction du véhicule concerné.
David Pincepoche, directeur de VHU Réunion, insiste sur les chiffres : « on parle d’environ 8 000 à 10 000 véhicules abandonnés par an à La Réunion ». Selon le rapport d’activités 2020 de l’association, 1643 VHU ont été détruits l’année dernière dont 1 075 recyclés. David Pincepoche explique qu’il s’agissait « des débuts de l’association et que les chiffres étaient donc forcément plus bas, indépendamment de la crise sanitaire ». En 2021, les chiffres sont similaires aux derniers mois de l’année 2020 : plus de 200 VHU sont détruits chaque mois.
… pour la majorité sur la voie publique
Toujours selon le rapport de 2020, 53% des VHU sont collectés sur la voie publique ; contre 35% sur terrain privé individuel et 12% sur terrain privé de société. Sans pour autant nier la quantité particulièrement importante des dépôts sauvages sur la voie publique, ces chiffres s’expliquent également par la difficulté liée au repérage des VHU abandonnés sur les terrains privés. En effet, les véhicules sont moins visibles et les réglementations plus complexes concernant la collecte sur propriété privée.
« On est déjà tombé sur des personnes qui avaient laissé un véhicule à l’abandon sur une petite parcelle de leur propriété mais qui donnait sur la route. Cela pollue, écologiquement parlant et visuellement parlant, que cela soit sur propriété privée ou publique. Malgré notre tentative de sensibilisation et notre demande de signaler et collecter le véhicule, le propriétaire ne voulait pas ; sous prétexte qu’il s’agissait d’un terrain privé. Ce genre de situation est particulièrement compliqué à gérer« , explique le directeur de l’association.
Agir contre les dépôts sauvages
« C’est important que les gens sachent qu’il ne s’agit pas uniquement de pollution environnementale et visuelle. Il y a aussi un enjeu sanitaire : ces véhicules abandonnés sont des gîtes larvaires, donc favorisent la prolifération des moustiques et de la maladie liée, la dengue. Il y a aussi le problème des rats, lorsqu’il s’agit de véhicules encore plus ou moins intègres. Ce sont de parfaits nids pour eux, surtout en milieu urbain, et la maladie liée aux rats est la leptospirose. Il faut donc prendre en compte l’ensemble de ces conséquences, problématiques, qu’engendrent les VHU abandonnés« , insiste David Pincepoche.
Pour 2021, l’un des objectifs de VHU Réunion est de convaincre 100% des communes de l’île. À l’heure actuelle, l’objectif est quasi atteint puisque 22 communes sur 24 font partie du dispositif ; seules les communes de Sainte Rose et de Salazie n’y sont pas encore. « Nous souhaiterions également mettre en place une application qui permettrait de faciliter le repérage des VHU abandonnés, comme en Martinique, qui sont cependant bien plus avancés que nous sur ce point« , évoque le directeur de VHU Réunion. Diminuer le délai des procédures de mise en demeure et de réquisition pour destruction est également l’un des objectifs de l’association. « Certaines collectivités sont très très réactives, d’autres le sont beaucoup moins. Le but serait de faciliter et d’automatiser la procédure pour que ça aille plus vite pour tout le monde« .
À La Réunion, on compte entre 8 000 et 10 000 véhicules abandonnés par an. Plusieurs raisons incitent les Réunionnais à abandonner leur VHU plutôt que de l’amener eux-mêmes dans un centre agréé. Cependant… Est-ce le bon choix ?
Entre responsabilité et sensibilisation : le grand défi
Déposer son véhicule dans un centre agréé, c’est respecter la loi
Depuis 2009, tout propriétaire d’un véhicule qui voudrait s’en débarrasser doit le déposer intègre ; c’est-à-dire sans aucune pièce manquante, dans un centre agréé. Ce centre procèdera ensuite à la dépollution et au traitement du véhicule. « Cela fait plus de dix ans que la loi interdit notamment la revente de pièces détachées entre particuliers« , rappelle David Pincepoche, directeur de l’association « Véhicules Hors d’Usage de La Réunion ».
Pour rappel, l’abandon d’un véhicule est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 500€ pour un particulier et, jusqu’à 15 000€ pour un professionnel.
Abandonner son VHU, c'est ne pas considérer son environnement
Sans évoquer quelconque loi, abandonner son véhicule hors d’usage a un impact considérable sur l’environnement. « Ça ne concerne même pas que les véhicules, ça concerne aussi toutes les pièces qui peuvent libérer un liquide nocif pour les sols. Je pense aux batteries par exemple. Parfois, on en retrouve au fin fond de la ravine. J’ai envie de leur dire « les gars, franchement, au pire le long de la route mais au fond de la ravine… », ça c’est le pire car on peut ne jamais les trouver. C’est vraiment un gros problème de conscience environnementale », constate David Pincepoche.
L’abandon des VHU a également un impact sanitaire. Le phénomène favorise en effet la propagation de la dengue ou encore de la leptospirose, une maladie généralement contractée par les rats.
Cheminement d’un VHU sur l’île intense
« Nous sommes à l’entrée de la Rivière des Galets, dans la commune de la Possession. Nous sommes devant ce que l’on appelle un VHU, un véhicule hors d’usage, abandonné ici par son propriétaire. On ne peut pas dire que nous sommes en milieu urbain ni en pleine nature ; nous sommes un peu entre les deux. En tout cas, il faut venir le trouver ce VHU, il est très peu visible par les autorités« , introduit David Pincepoche.
Repérage et identification de l'ancien propriétaire
Même si peu visible, le véhicule identifié est marqué par un papier scotché sur ce qu’il reste de la carrosserie d’une probable Citroën ZX. « Ce véhicule fait l’objet d’un arrêté municipal d’enlèvement de la voie publique pour destruction. Arrêté n°293/21/PM« , texte accompagné des logos de la Police municipale et de la commune de la Possession. « Maintenant qu’il a été identifié, les autorités cherchent le dernier propriétaire en date. Le problème, c’est que parfois le dernier propriétaire a oublié de faire le changement de carte grise ; et nous ne tombons pas sur la bonne personne pour faire la mise en demeure. Ça complique régulièrement les choses« , explique David Pincepoche.
La collecte : des déchets dans le déchet
Une fois que toutes les démarches administratives effectuées, VHU Réunion peut intervenir. Et ainsi, organiser la collecte du véhicule abandonné. « Là encore, parfois c’est plus compliqué que prévu », précise le directeur de l’association. « Parfois, des personnes laissent des déchets à l’intérieur du VHU. Ce n’est absolument pas le rôle de l’agent qui le collecte de nettoyer le véhicule. Il faut donc bien vérifier qu’aucun déchet ne soit présent dans l’épave. Regardez, là par exemple, c’est encore un autre niveau : des gens ont mis pleins de roches dans le véhicule. On ne peut évidemment pas récupérer ça comme ça…« .
Direction le centre de dépollution et de destruction des VHU
Huit minutes de dépollution
Une fois le véhicule collecté, direction le centre de dépollution et de destruction. Un agent vient de déposer deux Peugeot 206 : « Moi c’est Jean-Michel Hoareau et je suis dépollueur de voitures« , se présente-t-il. « Mon travail c’est de dépolluer les voitures. Je prends la voiture avec ma machine, je la capote c’est-à-dire que je la retourne, j’enlève les roues, les pneus vont dans un caisson à part, j’enlève également le pot catalytique et je déchire le bac à essence. Quand j’ai fini tout ça, la voiture part directement à la broyeuse« . Une fois le stade de la broyeuse atteint, « ça veut dire que la voiture a été dépolluée à 100% », affirme Jean-Michel Hoareau. « Dépolluer un véhicule, ça me prend huit minutes à peu près« .
La destruction, plus comme on l’imagine
« Ça sort en fer 33 maintenant« , explique M. Hoareau. « On ne fait plus des cubes. À l’heure actuelle, on broie tout complètement et ça sort en petit carré de fer 33 (centimètres, NDLR) ». Le fer est envoyé d’un côté, l’aluminium de l’autre, la saleté derrière le bâtiment. « Tout est séparé. L’aluminium, je ne sais pas trop où il va, mais le fer est envoyé en conteneur pour être recyclé et traité ailleurs« . À La Réunion, il n’existe pas de centre comme en métropole pour traiter les déchets dangereux liés aux VHU. « C’est pour cette raison que le service de collecte ne peut pas être gratuit, voire rémunéré comme en métropole si le propriétaire amène lui-même son véhicule à la casse« , explique le directeur de VHU Réunion. « C’est quelque chose qui est difficile à faire comprendre à tout le monde, même pas qu’aux citoyens réunionnais« .
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