Le pickup en Outre-mer : toute une histoire

Par Redaction | Le 06/07/2021 | Conseils achat / vente | Guides & Essais

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Depuis un demi-siècle, la cote d’amour du pickup aux Antilles est au plus haut. Et si autrefois celui-ci n’était qu’un simple véhicule utilitaire permettant à de nombreux professionnels de gagner leur vie, aujourd’hui la passion a remplacé la raison, si bien que ces 4x4 à benne sont devenus tout simplement culte … à grands renforts de culture américaine et de films hollywoodiens.

À l’origine, le pickup n’était pas encore le véhicule confortable et richement doté que l’on côtoie actuellement : c’était alors surtout une nécessité, un simple outil de travail en quelque sorte. Ces camionnettes utilitaires à plateau étaient en effet indispensables aux producteurs agricoles qui devaient se déplacer sur des chemins très accidentés tout en chargeant leurs marchandises et outils dans la benne. 

Ainsi dès les années 60, Peugeot importait les fameuses 403 (commercialisées jusqu’en 1967) et 404 (construites jusqu’en 1988), des modèles devenus depuis mythiques avec leur partie avant identique à la version berline et leur partie arrière remplacée par une benne bâchée, d’où leur surnom familier de « bâchés ».

Pickup bâché Peugeot 403 (image Pixabay Licence usage commercial libre)

Plus tard, d’autres constructeurs comme Chevrolet, Datsun, Isuzu et bien sûr Toyota, sont arrivés aux Antilles au cours des années 70 à 90. Dans un territoire peuplé d’agriculteurs, d’artisans et de pêcheurs, il semblait naturel que le Hilux y trouve de nombreux adeptes. S’accrochant aux chemins crevassés, transportant des matériaux et des outils aux quatre coins de l’île, franchissant les marécages, les sols inondés et boueux, crapahutant à travers champs, ce Toy tout-terrain a eu maintes fois l’occasion de prouver sa robustesse, sa fiabilité et sa longévité. Fort de ces qualités, il a ensuite tiré vers le haut tout le marché des pickups antillais ! 

Les premiers pickups « bâchés » Peugeot débarquaient en Martinique dès les années 60 

Et si les antillais ont encore aujourd’hui un rapport passionné avec ce type de véhicule utilitaire à benne, il faut remonter le temps pour saisir que l’histoire de ce succès a aussi été écrite par des gens qui y croyaient. Parmi eux, des anciens commerciaux qui ont jadis participé à l’avènement des pickups et à l’enracinement du constructeur Toyota en Martinique. Aujourd’hui retraités, certains d’entre eux ont accepté de revenir sur les premiers tours de roue des Hilux en Martinique en expliquant comment ils sont alors parvenus à tisser un lien privilégié avec leurs clients. 

Ainsi Philippe Fontaine raconte : « Lorsque je suis entré comme commercial chez Toyota en décembre 1979, les premiers Hilux à deux roues motrices commençaient tout juste à sillonner les routes depuis quelques années. J’ai d’ailleurs cédé mon Chevrolet pour acquérir le Toy, car le Hilux est typiquement le genre de véhicule que l’on convoite quand on a déjà roulé avec son père dans un bâché Peugeot ! »

Pickup Martinique (credit photo Aurélien Voirin)

Ceci dit, entre les bâchés Peugeot et la génération suivante de pickups, la comparaison ne tenait pas vraiment : les premiers étaient construits sur un simple triangle et non sur un châssis robuste, ce qui ne leur permettait pas de transporter les lourdes charges supportées par le Toyota. Il y avait aussi à cette époque quelques Datsun (Nissan aujourd’hui) mais ils ne dégageaient ni la même force, ni la même puissance. Du coup, c’est le Hilux qui est devenu le pickup emblématique des Antilles en occupant longtemps le devant de la scène.

Le Toyota Hilux, un best-seller devenu emblématique des Antilles depuis 50 ans 

« Les premiers Hilux sont arrivés en Martinique vers 1973 en version deux roues motrices, puis plus tard en version à quatre roues motrices. Les premiers clients de ces pickups étaient des agriculteurs : ils arpentaient leurs champs et avaient donc grand besoin de la transmission intégrale de leur Hilux ! Il y avait aussi des artisans et quelques pêcheurs. Tous plébiscitaient la vaste benne de ce pickup 4×4 qui leur permettait de transporter tout leur matériel sur des chemins très accidentés. Pour eux, le pickup était un outil de travail polyvalent et costaud, mais aussi un véhicule suffisamment luxueux pour continuer à sortir avec le week-end », se souvient l’ancien commercial Alex Fagour.

Il est vrai qu’à cette époque, il n’y avait pas grande concurrence. Les bâchés Peugeot étaient certes des précurseurs, mais ils étaient aussi plus anciens et leur fiabilité était incomparable à celle des pickups japonais. Peu à peu, Toyota et Nissan ont donc complètement supplanté les pickups français grâce à la légendaire fiabilité nippone. Imaginez, certains propriétaires se passaient même des révisions tant ces modèles étaient fiables ! 

Pickup Toyota Hilux Martinique (credit photo Aurélien Voirin)

Et puis, les conditions financières consenties par ces constructeurs japonais ne manquaient pas d’audace dans ces années-là, tous ces pickups étaient le plus souvent en stock et disponibles immédiatement : d’excellents arguments ! N’importe quel automobiliste antillais pouvait donc en acquérir un en deux temps trois mouvements !

« Je me souviens, nous commerciaux, nous nous occupions encore de tout de A à Z. Prospecter, organiser les essais, monter les dossiers, récupérer les documents, rédiger les contrats de crédit… On n’hésitait jamais à aller à la rencontre des agriculteurs, directement sur le terrain, dans leurs champs ! Nous mettions nos pickups Hilux à disposition pour leurs essais, et forcément, c’était bluffant ! Rares sont ceux qui restaient insensibles aux performances incroyables de ces 4×4 ! », ajoute avec émotion le retraité. « Bref, on ne comptait pas les allers-retours entre la concession et les acheteurs, à tel point que certains clients ne connaissaient parfois même pas l’adresse de Toyota ! Ils nous faisaient confiance ! »

Aucun autre territoire d’Outre-mer n’a le pickup chevillé au cœur comme l’ont les antillais !

Il y bien entendu aussi quelques pickups ailleurs, en Guyane ou dans l’océan Indien, mais aucun de ces territoires d’Outre-mer n’a le pickup chevillé au cœur comme l’ont les antillais, naturellement plus exposés à la si proche culture américaine. « À La Réunion, en dehors des agriculteurs, les automobilistes ne sont traditionnellement pas vraiment des fans de pickups. D’ailleurs, sur plus de 200 véhicules importés, je n’ai encore jamais eu de demande en pickups depuis 2016 ! » confie Nicky Clain de Nicky Import Auto 974.

Du côté de TMS Custom Parts, Kevin confirme ce sentiment : « On me demande très peu de pickups ici à La Réunion. En fait, on commence à peine à développer ce marché depuis 5 ans environ. Pour vous donner un ordre de grandeur, en 11 ans je n’en ai importé que 10 et c’était toujours des modèles très spéciaux ! …des gros pickups américains double cabine à moteur V6 ou V8, des Ford Raptor et des Dodge Ram de 500cv, des Jeep Wrangler et même une fois un luxueux Toyota Tundra tout équipé. Ce dernier serait d’ailleurs toujours à ma connaissance l’unique Tundra 8 cylindres de l’île ! »

Retour aux Antilles où de nombreux antillais fans de pickups et de voitures américaines rejoignent Cyrille Frédérique au sein de l’association American Cars 972 : « Nous sommes en train de créer notre association et nous avons déjà une centaine d’adhérents dont la moitié possède des pickups ! On a des Ford F150, des Dodge Ram 1500 et 2500, des GMC, des Nissan NP600 et bien sûr des Toyota Hilux et des Tundra ! »

Dans toute la Caraïbe jusqu’aux Antilles, il est vrai que les belles américaines et les pickups ont toujours été très populaires, l’outil de travail en semaine devenant par la suite pour tant de familles, un moyen convivial de s’évader le week-end. Le pickup c’est un peu comme une drogue en fait ici. On fait tout avec, on travaille avec, on se promène avec : le pickup, c’est un rythme de vie.

« Historiquement, cette passion du pickup a débuté avec les bâchés Peugeot 403 et 404 dans les années 60, puis Toyota et son Hilux ont pris le leadership auprès des producteurs agricoles dans les années 70 à 90. Ce n’est que dans les années 90 à 2000 que Nissan puis Isuzu avec son Trooper ont débarqué à leur tour. Ensuite les pickups de Ford sont arrivés à partir des années 2000, notamment avec les films et la culture US ! Et vu l’état des routes autrefois très aléatoire ici aux Antilles, le pickup s’est naturellement imposé dans le paysage antillais jusqu’à devenir culte aujourd’hui. …Famille, boulot, loisirs. », conclut Cyrille.

Et oui ! Comme le résume parfaitement cet automobiliste ultramarin passionné d’automobiles : le pickup aux Antilles, c’est effectivement une très longue histoire …de cœur !

Par Aurélien Voirin et Marlène François

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