Fret maritime : l’Outre-mer sous la menace inflationniste
Par Redaction | Le 09/07/2021 | Économie et politique
Impactés par la crise sanitaire, les transporteurs maritimes accumulent un immense retard logistique, ce qui provoque une saturation mondiale des capacités de fret. Conséquences : tous les produits importés vont coûter plus cher pour le consommateur d'Outre-mer.
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Depuis l’apparition de la crise sanitaire en 2020, c’est tout le fret maritime mondial qui est secoué par de multiples hausses de prix chroniques, sur fond de pénuries de containers et de navires. Dans ce contexte, les territoires d’Outre-mer sont particulièrement impactés puisqu’ils sont obligés d’importer leurs automobiles, leurs motos, leur pneumatiques et leurs pièces détachées, ainsi que la plupart de leurs produits de consommation courante.
« On constate cette année des hausses de prix pratiquement chaque mois lors de nos commandes de pneumatiques. En aout 2020, un container de 40 pieds nous coûtait 2000€, désormais c’est 7000€ ! On subit complètement toutes ces hausses et nos containers attendent en plus la plupart du temps sur les quais. Ce sont les compagnies maritimes MSC et CMA-CGM qui réclament ces hausses de prix à leurs transitaires, ensuite ces derniers nous les répercutent, ce qui se traduit logiquement pour nos clients par une augmentation du prix des pneus. », déplore le directeur de Pneus Cash Réunion, Philippe de Reynal.
« En temps normal, nous avions toujours 1500 pneus en stock, aujourd’hui il en reste seulement 300. Si la situation continue ainsi, on va tout droit vers une forte inflation avec de nombreuses pénuries, ici à La Réunion ! Le port loue carrément des terrains pour stocker tous leurs containers vides qui s’accumulent, parce-que plus personne ne vient les récupérer. …d’ailleurs depuis le blocage du canal de Suez, nous avons encore un container bloqué sur l’île Maurice que personne n’embarque jamais car il n’est visiblement pas considéré comme prioritaire. »
Partout dans le monde, de nombreux ports sont aujourd’hui saturés durablement tandis que les délais d’inspection préalables au départ de leurs porte-conteneurs s’allongent faute de personnel disponible en quantité suffisante. Pour faire disparaitre ce gigantesque retard accumulé par le commerce mondial, la plupart des compagnies maritimes ont augmenté la fréquence de leurs principales rotations maritimes, mais peut-être parfois au détriment de l’Outre-mer. Cette vaste réorganisation des rotations s’est aussi traduite immanquablement par une surcote « PSS » (Peak Season Surchage) répercutée sur les conteneurs : c’est-à-dire par une série d’augmentations tarifaires imposée sur les marchandises transportées par l’ensemble de la filière logistique.
Sommaire
« En 2020, un container nous coûtait 2000€, désormais c’est 7000€ ! »
En effet, déjà en avril dernier, des compagnies maritimes tels que Maersk, Streamlines, CMA-CGM, MSC et Marfret avaient annoncé une augmentation de 150€ sur leurs conteneurs de 20 pieds et de 300€ sur ceux de 40 pieds. Cette hausse avait d’abord concerné leurs chargements en provenance des ports de la façade atlantique de l’Hexagone, avant de se généraliser ensuite à ceux de Méditerranée. Et ce mois-ci, il s’agirait encore de 250€ d’augmentation sur les 40 pieds et 125€ sur les 20 pieds.
« Nous ne voyons aucune amélioration ici à La Réunion pour l’année prochaine car nous n’avons en réalité aucune visibilité. …j’ignore si depuis la fin du premier confinement cette congestion mondiale du fret maritime est amplifiée ou non par la guerre commerciale entre les Usa et la Chine. J’avoue toutefois m’être posé la question, mais cette crise reste finalement peu lisible. En tout cas, on est obligé de répercuter ces hausses sur nos pneus et comme l’Asie devient moins attractive, on réfléchit dorénavant à commander nos pneus par l’Europe de l’Est. », poursuit le directeur de Pneus Cash Réunion.
Du côté des transitaires, on confirme toutes ces augmentations tarifaires chroniques imposées par les compagnies maritimes tout en expliquant la raison de l’accumulation de conteneurs vides sur l’île. Ainsi, un personnel de la Société Nouvelle de Transport explique :
« Les compagnies maritimes ont profité de la crise du Covid pour désarmer leurs vieux navires afin de limiter leurs coûts. Depuis, le marché est saturé faute de navires et faute de containers ! De plus, pour limiter les frais de stationnement au port, on a généralement moins de 3 jours pour décharger un navire. Du coup, les compagnies maritimes ne prennent plus le temps de récupérer leurs containers vides, c’est pour cela que l’on a tous ces containers vides ici à La Réunion. »
Et de poursuivre, « Les effets économiques sont évidents ici à La Réunion, on voit déjà monter tous les prix ! Cela dure depuis la crise sanitaire et cela devrait durer encore en 2022. Et puis, les volumes d’importation augmentent sans cesse de toute façon, ce n’est donc pas surprenant que l’on arrive à une situation de blocage avec les retards générés par le Covid. »
À Mayotte, la situation est encore plus tendue, les capacités de fret maritime ont été soudain divisées par 4 par la CMA-CGM, ce qui impacte lourdement l’activité économique de tous les acteurs du territoire. La fréquence des passages et les capacités allouées à Mayotte sont maintenant chacune 2 fois plus faibles, cependant les porte-conteneurs sont devenus aussi plus gros, ce qui sature complètement le port à chaque passage sur l’unique quai opérationnel.
« Les compagnies maritimes ont profité de la crise du Covid pour désarmer leurs vieux navires »
Pourtant les hausses de tarif se poursuivent chez MSC et CMA-CGM (seules ces 2 compagnies desservent actuellement La Réunion et Mayotte). La dernière date du 14 juin avec à nouveau 200$ sur les EVP (équivalent vingt pieds) et 400$ sur les 40 pieds, soit presque 40% d’augmentation depuis janvier 2021 selon le secrétaire du Syndicat des Transitaires mahorais, Marc-Antoine Moles, ce qui valorise ce mois-ci les containers EVP à 2185€ et les 40 pieds à 4000€.
« On constate depuis des mois des hausses de prix tant au départ de l’Europe que de l’Asie et on voit mal la situation s’arranger en 2022. On est déjà entre +50% et +70% des prix Hexagone ! Les effets sociaux peuvent donc devenir très vite dévastateurs ici à Mayotte, le département où les habitants ont le pouvoir d’achat le plus faible de France. Nous transitaires, on répercute forcément toutes ces augmentations vers nos clients mais on ne fait pas plus de marge pour autant. Ici, à Mayotte ce n’est donc plus le Covid qui nous pénalise, mais la politique des compagnies maritimes ! Ils sont gagnants de tous les côtés en appliquant des hausses de tarif, ainsi que des pénalités sur les conteneurs vides en attente, tout en diminuant leurs rotations ! »
Contactée, la compagnie CMA-CGM n’a pas souhaité répondre aux sollicitations de notre rédaction. De son côté, Marc-Antoine Moles suggère que la crise sanitaire n’explique pas totalement l’actuelle congestion logistique mondiale, ni les difficultés rencontrées depuis un an par les compagnies maritimes : il s’agirait aussi selon lui des conséquences de certaines décisions.
« Lorsque la crise sanitaire a tout stoppé, tous les containers vides sont alors restés en Europe. Puis au redémarrage durant le 2etrimestre 2020, les compagnies maritimes ont dû renvoyer tous ces containers vides vers l’Asie. Ensuite, ces compagnies ont invoqué régulièrement des surcharges saisonnières PSS pour se rembourser unilatéralement tout en facturant des pénalités -surestaries- de 20€ par jour et par container EVP lorsqu’une fois déchargé celui-ci ne leur revenait pas vide avant le 12e jour. L’engorgement les avantage donc aussi d’une certaine manière ! Pourtant à l’époque, on refusait que les clients renvoient ces containers vides car la filière était saturée par manque de personnel. …in-fine, ce sont les consommateurs ultramarins et européens qui payent aujourd’hui, pas ceux d’Asie ! »
« Ce sont les consommateurs ultramarins qui payent aujourd’hui, pas ceux d’Asie ! »
Du côté des Antilles, la situation est sensiblement similaire avec une dégradation continue des conditions et de la qualité de service des compagnies maritimes. Pour ne pas perturber les rotations de ces compagnies, il y a beaucoup de « laissés à quai » et de « blank sailing » (annulation d’escales) : les containers n’embarquent pas sur les bateaux et les ports restent pleins. Les horaires ne sont donc plus du tout assurés, ce qui alimente depuis la crise sanitaire de 2020 la gigantesque congestion du fret maritime.
En Martinique, le président du syndicat des transitaires, Jean-Claude Florentiny, analyse ainsi la crise que traverse le fret maritime : « L’arrêt brutal des chaines de production et de leur logistique a tout congestionné depuis fin 2020. L’Asie a repris avant l’UE et les Usa, du coup les containers sont restés mal positionnés depuis, avec un surplus de containers vides en UE ainsi que sur l’axe Trans-pacifique aux usa. Et comme par la suite, les compagnies maritimes ont géré au mieux de leurs intérêts, la gestion comptable de leur flotte a certainement fini par accentuer le phénomène en alimentant la pénurie.
L’année dernière j’ai alerté notre fédération ainsi que le ministère de l’Outre-mer car les prix du fret aérien avaient triplés. Côté fret maritime il y a également une hausse d’environ 20% depuis avril 2021 sur la zone Antilles. Ces augmentations impactent toute l’économie antillaise : une hausse globale des prix est désormais attendue avec peut-être un risque d’inflation excessif. Ainsi, notre visibilité est extrêmement limitée en terme de tarif, nous parvenons à peine à transmettre nos prix sur un mois à nos clients. On espère donc tous une amélioration en 2022 après la surchauffe de 2021. »
Le mois d’aout approchant, les compagnies maritimes ont commencé en juillet à informer leurs clients de leurs prochains tarifs. À compter du 1e aout, c’est notamment toute une nouvelle série de hausses du Peak Season Surcharge qui est d’ores et déjà annoncée sur le fret maritime. Ainsi, avec par exemple une énième majoration de 150€ par conteneur EVP depuis l’Europe vers les Caraïbes, une amélioration des conditions d’importation de marchandises en Outre-mer ne semble toujours pas à l’ordre du jour…
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