Construire une route qui contournerait le chef-lieu encombré de Mayotte est un fantasme qui a commencé à naître dans les esprits de certains élus de l’île dès 1981. Sans jamais voir le jour. Or, depuis 2020, Jean-Michel Lehay, ingénieur chargé de mission au conseil départemental, a conçu un nouveau projet du contournement de Mamoudzou, plus réaliste que les précédents, et annonce le début des travaux pour décembre 2025 dernier délai.
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Le projet de contournement de Mamoudzou est, à l’instar de celui de la piste longue de l’aéroport, une véritable Arlésienne à Mayotte. On en parle depuis 40 ans sans rien faire pour le réaliser concrètement. Toutefois, Jean-Michel Lehay, ingénieur chargé de mission infrastructure routière au CD, a pris le taureau par les cornes en 2020. Ancien agent de la DEAL, il a été spécialement recruté par Soibahadine Ramadani. L’objectif : faire enfin de ce fantasme une réalité. Soibahadine Ramadani est l’ancien président du conseil départemental. Pragmatique, l’ingénieur a établi un cahier des charges précis et travaille dans l’ombre depuis environ 2 ans pour le faire aboutir. Il annonce le début des travaux pour décembre 2025 dernier délai.
Deux fuseaux (= zones) de travail possible ont d’ores et déjà été déterminées. Ce n’est que lorsque ce choix sera fait que l’itinéraire exact pourra être créé.
Sommaire
Pourquoi les précédents projets de contournement de Mamoudzou n’ont-ils pas abouti ?
Les différents projets de contournement de Mamoudzou ont déjà fait tellement couler d’encre sans jamais aboutir. Du coup plus personne n’y croit. Il faut dire que la première réflexion à ce sujet date de 1981. Il s’agissait à l’époque de « mailler les quartiers » en créant une voie sur les hauteurs de Kaweni. Des hauteurs reliées aux différents secteurs urbains. « Si rien n’a été concrètement entrepris de 1981 à 2011 c’est faute d’un cahier des charges qui tienne la route », explique avec un certain humour Jean-Michel Lehay. Ce dernier se désole qu’en 30 ans, entre les projets du conseil général de l’époque et ceux de la DEAL, 2 millions et demi d’euros aient été dépensés en études stériles. « Faute d’un maître d’ouvrage compétent pour rédiger un cahier des charges prenant en compte la réalité du terrain. Les bureaux d’étude ont toujours proposé à Mayotte des projets aberrants et bien trop coûteux », explique-t-il.
En 2011, juste après la départementalisation, le conseil départemental de l’époque a lancé un marché pour une nouvelle étude de faisabilité. Le bureau d’étude SETEC a gagné l’appel d’offre et a établi un projet qui a été intégré au PGTD* de 2018. Ce projet évoquait la construction d’une route de contournement allant de Kaweni à Tsoundzou 1. En juin 2019, lors d’un comité de pilotage du PGTD, le SGAR de l’époque et la DEAL ont annoncé que l’Etat n’assurerait pas la maîtrise d’ouvrage du projet.
La question de savoir qui d’autre pourrait d’en charger s’est donc posée. La Cadema a refusé. Soibahadine Ramadani hésitait, mais était gêné dans la mesure où le projet se situait dans le secteur de la Cadema. C’est alors que Jean-Michel Lehay, qui travaillait à l’époque pour la DEAL, a émis l’idée d’allonger un tantinet la route de contournement. « Si on la faisait passer de Koungou à Tsoundzou 2, elle devenait intercommunale et la légitimité du CD se préserverait », nous explique-t-il. Enthousiasmé par l’idée, Soibahadine Ramadani a donc fait modifier le projet. Il l’a transmis à la DEAL où il a fini par atterrir sur le bureau même de l’ingénieur à l’origine de la suggestion. Ce dernier étant spécialisé en géométrie routière et auditeur en sécurité routière, c’était parfaitement cohérent. Une double qualification que seules 2 personnes possèdent de nos jours en France.
L’aventure a véritablement commencé en 2020
Intéressé par ce projet de nouvelle route, notre ingénieur a préparé le cahier des charges. Il s’est aussi occupé de trouver un bureau d’étude en collaboration avec ses collègues de la DEAL. « Créer une nouvelle route ne se fait pas en claquant des doigts. 12 procédures règlementaires impliquant 445 opérations sont à suivre avant d’entreprendre quoique ce soit », nous explique-t-il. Ces procédures sont des études concernant notamment l’environnement, l’urbanisme, la faune, la flore, le bruit, la qualité de l’air, etc. En parallèle, la loi française exige l’organisation de débats publics. Jean-Michel Lehay a également fait en sorte de pouvoir placer le projet en DUP*. Cela afin d’avoir « les mains libres » pour pouvoir agir. « Évidemment, si toutes les études préalables ne sont pas correctement menées, cette DUP peut être attaquée. D’où l’importance de faire les choses dans les clous », précise-t-il.
Alors qu’il travaillait sur ce projet, des désaccords avec la DEAL l’ont conduit à demander sa mutation pour la métropole. L’ordre de mutation tardant à arriver à cause de la crise sanitaire, il a été « rattrapé au vol » par Soibahadine Ramadani en décembre 2020. Alors même qu’il était en train de préparer son déménagement. « Souhaitant que ce projet de contournement se réalise enfin, Soibahadine Ramadani m’a proposé un poste au CD en tant que prestataire privé. J’ai donc pris une disponibilité de mon poste de fonctionnaire et j’ai accepté », explique l’ingénieur.
Ce dernier, anticipant un remodelage des postes suite aux élections, a préféré prendre un poste de « chargé de mission infrastructures routières ». Cela plutôt qu’un poste de DGA auquel il aurait été susceptible d’être remplacé . « J’ai pris mon poste en 2021 et n’ai fait que continuer à travailler sur le projet comme j’avais commencé à le faire au sein de la DEAL », poursuit-il. « Normalement un projet de ce type nécessite en moyenne 7 ans de procédures avant le début des travaux. J’ai fait en sorte de le mener en 5 ans pour des raisons financières », ajoute-t-il. Ce dernier explique aussi que « la clé pour aller plus vite est l’anticipation ».
Où en es le projet de contournement de Mamoudzou aujourd’hui ?
« Je souhaite lancer la DUP milieu 2023 », affirme l’ingénieur. Naturellement, il compte réaliser cette route en « respectant les projets urbains des communes » qui sont régulièrement consultées. Une partie du foncier a déjà été trouvée (celui appartenant au CD). L’autre devra être négociée avec les différents propriétaires. Suite au comité de pilotage du 12 octobre 2021, deux fuseaux de travail possibles ont déjà été déterminés. Salim M’Déré, le 1er VP en charge de l’aménagement les a validés après qu’ils ont été acceptés à l’unanimité par les élus. « La 2ème phase de travail est l’organisation des débats publics », nous explique Jean-Michel Lehay.
Organiser des débats publics implique encore 3 procédures différentes débutant par la saisine de la commission nationale de débat public. Il faut ensuite déterminer si ce seront des « débats publics » sous l’égide de la CNDP ou des « consultations publiques » sous l’égide du maître d’ouvrage, ici le CD. Le 5 janvier 2022, une visio-conférence avec la CNDP a été organisée. Cette dernière a tranché en faveur d’une consultation publique. Le CD a donc la main. Le dossier de saisine de la CNDP a été envoyé le 28 janvier. « Normalement, il faut 40 à 70 jours pour avoir une réponse. Là, ils ont été étonnamment réactif puisque j’ai reçu l’autorisation de présenter le dossier dès le 2 février », raconte Jean-Michel Lehay.
8 consultations publiques sont donc désormais à organiser sur l’intégralité de l’île. Cela afin que chacun puisse donner son avis sur le projet. « Chaque question trouvera sa réponse et les débats seront filmés », assure l’ingénieur. Il espère débuter les consultations « fin mars, début avril ». Un site internet dédié aux questions sera également ouvert.
Un budget total de 900 millions d’euros
Au mois de février 2021, le budget total du projet était estimé à 900 millions d’euros. « Quoiqu’il se passe, les travaux débuteront au plus tard en décembre 2025 sur les terrains appartenant au CD », assure l’ingénieur. Par ailleurs, il sait déjà que, quelque soit le fuseau choisi, il y a déjà 2 zones où le foncier est assuré par le CD, d’où sa certitude sur la date de début des travaux. « Evidemment, personne ne nous donnera les 900 millions nécessaires en une seule fois, mais comme la route est sectionnée en 8 à 11 tronçons, ça nous laisse le temps d’obtenir cet argent au fur et à mesure.
Il va falloir monter un plan de finance », explique-t-il. Toutefois 700 millions ont déjà été engagés à hauteur de 40% par les fonds européens FEDER et 16,5% par l’Etat. Le CD y a investi 100 millions et les EPCI, 10 millions. Le seul obstacle que l’ingénieur voit encore à la concrétisation du projet réside dans le fait de trouver des entreprises compétentes à Mayotte. « En particulier en ce qui concerne les ouvrages d’art en béton car personne ne fait cela pour le moment sur le territoire », déplore-t-il. Espérons que d’ici 2025, cette situation évolue. Sinon, nous sommes persuadés que notre ingénieur, qui ne manque pas de ressources, saura trouver une solution innovante à ce problème !
PGTD : Plan Global de Transports et de Déplacements
DUP : Déclaration d’Utilité Publique
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